Réforme de l’Isoc : quel impact sur la transmission ?

Réforme de l’Isoc : quel impact sur la transmission ?
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Réforme de l’Isoc : quel impact sur la transmission ?

L’accord fédéral du 26 juillet dernier, connu sous le nom de l’accord de l’été, a accouché d’un nombre significatif de mesures fiscales. Si l’attention de la presse et du grand public s’est focalisée sur les mesures qui touchent à l’épargne, et parmi celles-ci le nouveau prélèvement de 0,15 % sur les portefeuilles titres, c’est en réalité surtout l’impôt des sociétés (Isoc) qui sera révisé. Bien que ces mesures soient toujours au stade de projet – une nouvelle loi-programme sera probablement votée à la fin de ce mois –, il nous paraît utile d’examiner de quelle manière celles-ci impacteront la transmission des entreprises.

Rappelons d’abord les objectifs de cette réforme : améliorer la compétitivité de nos entreprises mais également instaurer plus de justice fiscale, en évitant que certains grands groupes ne paient (presque) pas d’impôt dans notre pays. La mesure phare consiste dès lors à ce que le taux nominal de l’Isoc (actuellement 33,99 %) soit graduellement réduit, et ce pour toutes les entreprises (jusque 25 %), mais de manière plus prononcée encore pour les PME (jusque 20 %).

Pour financer la réforme, les intérêts notionnels seront pratiquement supprimés : seule l’augmentation du capital à risque sera prise en compte. De plus, un impôt minimum sera mis en place en limitant les possibilités de déduction pour les grandes entreprises.

Observons maintenant de plus près quelles mesures auront un impact direct sur la cession des entreprises.

-Plus-values sur titres. Si dorénavant les plus-values sur titres détenus en société seront taxables, une exception est maintenue dans le cas où le régime des revenus définitivement taxés (RDT) s’applique : participation de minimum 10 % et durée de détention ininterrompue d’un an. Rien ne change donc pour une holding familiale ni pour le propriétaire privé qui vend les parts d’une société avec une plus-value. Le principe de “gestion normale du patrimoine privé” est respecté (CIR Art 90, 1°).

-Pour la taxation des portefeuilles titres (nouvelle taxe à hauteur de 0,15 %), les titres nominatifs seraient en principe exclus. Il s’agit donc à nouveau de faire la distinction entre les investisseurs financiers et les propriétaires d’entreprises familiales qui bien souvent ne poursuivent pas le même objectif. La distinction entre les titres au porteur et titres nominatifs est cependant critiquée par le conseil d’état, donc cette question reste à suivre.

-Réduction de la latence fiscale. La réduction du taux nominal de l’Isoc, évoquée ci-dessus, aura un impact direct sur le calcul de la latence fiscale lorsqu’on utilise les méthodes de valorisation liées à l’actif net corrigé. En effet, ces méthodes prennent en compte les plus-values latentes (non exprimées) entre la valeur comptable et la valeur vénale de certains actifs (souvent immeubles). La latence fiscale étant réduite, ceci aura un impact favorable sur la valorisation.

-Suppression de l’impôt pour les revenus définitivement taxés (RDT). Dans le chef d’une holding percevant des dividendes de sa filiale, le système actuel prévoit une exonération à hauteur de 95 %, signifiant un impôt effectif de 1,69 % (33,99 % x 5 %). La suppression de cet impôt permettra de remonter plus facilement des dividendes postacquisition. Cette technique est souvent utilisée pour remonter des liquidités excédentaires dans la cible. Cependant, il faut être prudent en cas d’usage excessif de ce mécanisme, car un abus de droit fiscal pourrait être retenu.

-Provisions pour risques et charges. La limitation de ces provisions et l’application du taux de l’impôt au moment de la comptabilisation de la provision, auront pour conséquence qu’il faudra être attentif à d’éventuelles répercussions fiscales négatives à l’avenir.

-Principe de “matching”. Ce nouveau principe en droit fiscal vise à ce que les charges soient dorénavant prises en compte lors du même exercice que les revenus qui sont liés. Gageons que les audits d’acquisition seront particulièrement scrupuleux sur ce point au cours des prochaines années.

-Taxation étalée en cas de plus-values de réinvestissement (art 47 CIR). Le taux applicable sera dorénavant celui du moment où la plus-value a été réalisée, afin d’éviter un effet d’aubaine (réalisation de la plus-value avant la mise en place du taux réduit de l’Isoc). Pour toute société vendue qui aura bénéficié de cette mesure, il faudra examiner attentivement sa situation fiscale future.

On peut conclure que cette ambitieuse réforme fiscale est plutôt clémente pour le dirigeant de PME. Alors qu’on a évité le pire – une taxation généralisée sur la plus-value des titres –, les investisseurs financiers seront par contre touchés tant au niveau des investissements en société qu’à titre privé. Ceci aura pour conséquence que les opérations de cession des titres seront toujours privilégiées dans la majorité des cas. Les opérations de cession de fonds de commerce resteront par contre plus marginales, puisque, dans ce cas, il y a taxation sur la plus-value. Certaines mesures auront un impact sur la valorisation et sur le processus de transmission. L’audit sera notamment de plus en plus pointu sur le plan fiscal.

Incontestablement, la réalité fiscale devient de plus en plus complexe et changeante, en particulier pour ce qui concerne la transmission des entreprises. Plus que jamais, il convient donc de bien s’entourer.