Le détourage d’actifs avant cession ou comment rendre la mariée plus belle

Le détourage d’actifs avant cession ou comment rendre la mariée plus belle
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Le détourage d’actifs avant cession ou comment rendre la mariée plus belle

Le « carve-out » est une manière de nettoyer la société cible avant la cession qui doit se pratiquer avec circonspection.

Lorsqu’une société se prépare à être vendue, il peut s’avérer nécessaire de la débarrasser de certains actifs non stratégiques avant la cession.
Cette opération de désinvestissement s’appelle dans le jargon « détourage » ou « carve-out ».

1. Sur quels éléments porte le détourage et dans quel but le pratique t-on ?

Le détourage peut porter sur toutes sortes d’actifs : immeubles, machines ou matériel roulant, mais aussi une filiale ou une branche d’activité. Elle permet de réduire le prix de la cession, de rendre liquides certains actifs difficilement négociables, ou tout simplement de présenter un ensemble plus cohérent dans le marché.
Dans certains cas, le détourage est imposé par l’acquéreur qui ne souhaite pas s’embarrasser d’actifs trop encombrants. Le détourage permet aussi de contenter des actionnaires qui ont une vue divergente, permettant à certains de reprendre une activité et à d’autres de sortir, tout en vendant ensemble la société.

2. La prudence fiscale est de mise

Le principe du détourage avant cession est parfois remis en cause par l’administration fiscale qui peut considérer que la succession d’opérations envisagée n’est pas compatible avec la gestion normale d’un patrimoine privé (article 90, 9°, premier tiret, CIR 1992).
Un arrêt de la Cour d’Appel de Gand est toutefois venu clarifier la situation (1). Il s’agissait d’une société organisatrice d’évènements qui avait vendu, juste avant la cession, plusieurs actifs (parts d’un club de football et œuvres d’art), ayant par ailleurs confié au cédant la gestion d’un litige en cours et résilié deux contrats de travail.
La Cour a estimé que le cédant avait agi normalement en débarrassant la société de tout ce qui n’était pas nécessaire ou utile pour atteindre l’objectif poursuivi (qui était la cession de l’activité). Ce « nettoyage » n’était autre, selon la Cour, qu’une manière de fixer le prix du périmètre logique de cession.
Cet arrêt est accueilli avec soulagement car, dans la pratique des fusions et acquisitions, le détourage de l’un ou l’autre actif – la voiture du dirigeant, par exemple – est habituel (2).
La prudence fiscale reste toutefois de mise, surtout si les actifs sont cédés au cédant ou à un membre de sa famille, qui sera à l’évidence en conflit d’intérêts. Il conviendra d’être particulièrement prudent pour la valorisation des actifs cédés qui devra être conforme à la valeur de marché. La préparation d’un dossier solide appuyé par une expertise indépendante n’est certainement pas un luxe superflu.

3. Quelles sont les autres précautions à prendre en compte ?

Les parties devront identifier précisément les éléments à détourer et évaluer avec soin les implications sur l’entreprise, avant de procéder au détourage.
Cette analyse peut se faire sur 3 axes :

  1. Implications juridiques. Quelles sont les conséquences des opérations envisagées sur les contrats en cours ? Quels accords faut-il obtenir (co-contractants, banques, clients, fournisseurs…) ? Les actifs sont-ils grevés ? Y a-t-il des droits de préemption à purger ?
  2. Impact sur les ressources humaines. Est-ce que le transfert des contrats de travail respecte le droit social (maintien de l’ancienneté et des droits acquis) ? Quel impact sur les accords collectifs et sur l’appartenance à une commission paritaire ?
  3. Conséquence du détourage sur les finances. Quel sera l’impact de la cession des actifs sur la dette nette de la société ? A-t-on pris en compte l’incidence fiscale liée à la plus-value ?

Bien entendu, ce ne sont que quelques exemples de questions qui peuvent se poser, l’analyse devant être menée individuellement et en détail.
La mise en œuvre d’une opération de détourage peut s’avérer complexe. Elle dépendra de la structure de l’opération envisagée (share deal ou asset deal…) et de la nature des actifs à céder. Dans tous les cas, il convient de mettre en place un cadre contractuel clair et des valorisations de marché. L’ensemble des ayants cause (en particulier, le personnel) devra être bien informé. Un plan d’action par étapes s’impose bien souvent et il faut prendre le temps nécessaire pour pallier d’éventuels imprévus.

 

(1) Gand, 17 novembre 2020, 2019/RG/1364 –

(2) Cet arrêt a été commenté par Me Stefaan Van Crombrugge dans le Fiscologue (édition 1723 p. 11) en date du 19 novembre 2021.

 

Article écrit par M. Tanguy della Faille

tanguy.della.faille@fb-transmission.com