Attention, céder une société patrimoniale demande autant de méthode et de préparation qu’une opération de fusion- acquisition classique.
La société immobilière patrimoniale (ou de gestion) vise à faire fructifier un ensemble immobilier, en conciliant rendement et maîtrise des risques. Répondant à des logiques à la fois entrepreneuriale et familiale, elle est une entreprise à part entière. Elle présente toutefois certaines spécificités qu’il convient d’anticiper lors de la préparation d’une transmission.
Plusieurs objectifs peuvent conduire à la constitution d’une société patrimoniale :
- séparation entre l’outil de production et le patrimoine immobilier : cette organisation permet de protéger les actifs fonciers et de préparer une transmission équilibrée.
- constitution d’un patrimoine d’investissement actif et diversifié : gérée comme une foncière privée, elle vise la rentabilité et la valorisation à long terme, grâce à l’effet de levier et à une gestion dynamique d’immeubles locatifs
- gestion collective d’un patrimoine familial : organiser la détention commune de biens immobiliers permet d’éviter l’indivision, de clarifier les droits et d’assurer une gouvernance pérenne.
Transmission ou cession.
S’inscrivant dans une vision de long terme, la société patrimoniale est le plus souvent destinée à être transmise au sein du cercle familial plutôt qu’à être cédée. Certaines circonstances peuvent néanmoins conduire les associés à envisager une cession partielle ou totale : besoin de liquidités, désintérêt des héritiers pour la gestion, désaccords familiaux ou craintes de tensions.
Dans ces situations, la décision de vendre requiert une analyse fine des forces et faiblesses du portefeuille ainsi qu’une réflexion claire sur les objectifs de transmission. L’enjeu est de se placer dans la position d’un acquéreur, qui abordera le dossier avec un regard purement économique.
Les principaux points à prendre en compte sont :
- la qualité du portefeuille : l’état des immeubles et leur localisation déterminent la solidité du portefeuille. Il est essentiel que le dossier soit clair et complet sur le plan administratif et urbanistique. Les critères environnementaux (performance énergétique, isolation, certificat PEB) occupent désormais une place centrale.
- le niveau et structure de l’endettement : le poids de la dette – montant, taux, garanties et échéances – influence directement la rentabilité et le risque Un endettement maîtrisé peut créer un effet de levier positif, tandis qu’une structure trop chargée fragilise la société.
- l’homogénéité des actifs : lorsque les immeubles présentent des typologies différentes (résidentiel, commercial, industriel, foncier agricole) ou sont situés dans des zones très distinctes, la valorisation globale peut s’en trouver affectée. Dans certains cas, la vente “à la découpe” de tout ou partie des actifs, peut se justifier pour maximiser la valeur.
- les baux et revenus locatifs : la qualité des locataires et des baux (taux d’occupation, durée résiduelle, clauses, impayés) conditionne la stabilité et la prévisibilité des flux de trésorerie.
- la gestion opérationnelle : la rigueur dans la gestion technique et administrative (entretien, suivi locatif, reporting) a un impact direct sur la performance et la valeur à long terme du patrimoine.
Deux approches pour évaluer la valeur réelle.
L’investisseur avisé combinera ces deux approches afin d’estimer une valeur juste et défendable.
- Les méthodes de valorisation doivent être adaptées aux spécificités de la société patrimoniale. Deux approches principales sont généralement retenues : l’actif net réévalué (ANR) : méthode de référence pour ce type de structure, elle consiste à réévaluer les immeubles à leur valeur de marché, puis à comparer cette valeur à la valeur nette comptable pour dégager une plus-value brute. Une décote pour latence fiscale est ensuite appliquée, correspondant à l’impôt qui serait dû en cas de vente des actifs. La plus-value nette ainsi obtenue est ajoutée aux fonds propres pour déterminer l’actif net réévalué, indicateur clé de la valeur économique des parts
- La valorisation par le rendement : l’ensemble immobilier est valorisé en fonction du revenu qu’il génère, divisé par un taux de capitalisation. Une méthode simplifiée, basée sur les loyers bruts, fournit une estimation rapide et fort utilisée, mais imprécise. La méthode plus professionnelle consiste à capitaliser l’Ebitda immobilier (loyers nets des charges, entretien, gestion, assurances).
Ces deux méthodes de valorisation sont complémentaires. L’actif net réévalué repose sur la valeur de marché des immeubles, tandis que la valorisation par rendement offre une lecture plus économique et plus représentative de la réalité de gestion. L’investisseur avisé combinera ces deux approches afin d’estimer une valeur juste et défendable, intégrant à la fois le patrimoine détenu et la performance opérationnelle de la société.
En définitive, la société patrimoniale, souvent perçue comme un actif stable, révèle toute sa complexité lorsqu’elle entre dans un processus de cession. Sa valorisation et sa transmission exigent autant de rigueur que la vente d’une entreprise opérationnelle.
Article de Tanguy della Faille – Managing Partner chez FB Transmisison.